Les lacunes du Droit International de l’Environnement

1 décembre 2020

Les lacunes du Droit International de l’Environnement

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Introduction

Les problèmes environnementaux n’arrêtent pas d’alimenter les débats à l’échelle mondiale. Il ne se passe pas une journée sans que, dans l’actualité, soit relaté un fait qui a rapport, de près ou de loin, avec l’environnement (Raven et all, 2008). Alors que l’idée de sa dégradation s’impose, en même temps se soulève la nécessité de le protéger. Or, les problèmes environnementaux ont tendance à franchir des frontières d’où la nécessité pour les Etats de les adresser par des dispositifs juridiques appropriés. C’est en effet le droit international de l’environnement qui, par ses règles et principes, répond à ce besoin. Cependant, en dépit des avancées qui sont faites au cours de son développement, cette branche du droit fait l’objet d’une série de critiques. Certains auteurs présentent un manque de coordination qui se traduit par des doubles emplois, des incohérences et des lacunes (Lepage, 2008 ; Le Bris et all, 2018). Une lacune, en effet, se définit comme étant un vide ou une déficience et, dans le cadre d’un accord multilatéral, elle peut avoir rapport : au contenu de l’accord ou sa capacité à atteindre son objectif et sa finalité ; aux discordances entre les cadres juridiques ou l’absence totale de réglementation (Nations Unies, 2018). Alors, dans ce cas précis, en quoi consistent donc ces lacunes ? Pour répondre à cette interrogation, les pratiques actuelles du droit international de l’environnement seront analysées par le biais d’une recherche documentaire en tenant compte, des aspects de réglementation, de gouvernance et d’effectivité.

Chapitre I. Les lacunes réglementaires et structurelles

Ce chapitre traite de la réglementation et de la structure de gouvernance du droit international de l’environnement. Pour ce qui est de la réglementation, l’accent est mis sur les lacunes des régimes existant et les instruments liés à l’environnement alors que du côté de la gouvernance c’est la fragmentation institutionnelle et le manque de coordination qui sont décrites.  

A. Les lacunes des régimes existants et des instruments liés à l’environnement

La dégradation de l’environnement est un problème mondial. Les réponses à y apporter concernent donc tous les pays. A cet effet, parvenir à la participation de tous les acteurs pertinents demeure un défi majeur quand on sait que dépendamment de l’agenda de certains régimes en place (priorités des Etats), certains seront toujours réticents à signer tous les accords multilatéraux relatifs à l’environnement. Pourtant, le droit international de l’environnement ne disposant de pouvoir coercitif, ne peut, sous aucun prétexte, forcer un pays à ratifier un accord. Qui pis est, dans le cadre des accords multilatéraux sur l’environnement l’obligation est faite aux pays plus riches de soutenir les pays pauvres par le transfert de technologie, d’expertise et des moyens financiers pendant que les Etats dits moins avancés sont astreints à des obligations moins strictes. Quand les intérêts sont divergents et les obligations non équilibrées, le niveau d’engagement de participation peuvent être amoindris.

D’un autre côté, il existe de sérieux problèmes d’ordre normatif. Par exemple, il se trouve des lacunes considérables dans les régimes de réglementation des substances, des activités et déchets dangereux. De plus, la multiplication des instruments et la fragmentation des régimes réglementaires rendent nécessaires la coordination et la coopération entre institutions, ainsi que la mise en œuvre complémentaire de divers instruments juridiques. Par rapport à un ensemble d’instruments juridiques relevant d’autres domaines mais ayant rapport à l’environnement, on dénote également des zones de tensions dans la gestion des différends comme c’est le cas de l’OMC qui refuse d’appliquer des mesures environnementales qu’elle estime incompatibles avec les obligations commerciales[1]. De plus, il existe un manque de clauses relatives à l’environnement dans certains traités bilatéraux ayant rapport à l’investissement et le droit de la propriété intellectuelle notamment dans les questions de transferts des pays riches vers les pays pauvres.

B. Les lacunes liées à la structure de gouvernance du droit international de l’environnement

La gouvernance internationale de l’environnement est formée d’un système multipartite composé des États comme acteurs principaux et d’autres institutions internationales, d’organes conventionnels, d’organisations non gouvernementales à l’échelle mondiale et régionale, de scientifiques et des acteurs du secteur privé lesquels contribuent à la création et à la mise en application du droit international de l’environnement. Suite à la Conférence de Stockholm, près de 200 institutions conventionnelles ont vu le jour et sont parvenues à la conclusion d’une série d’accords multilatéraux sur l’environnement dont le nombre s’élèverait à 500 environs[2].

De plus, le droit international de l’environnement est très prolifique en matière d’accords multilatéraux ; d’organes techniques et de direction.  Cependant à cause du nombre très élevé d’institutions qui se trouvent dans la structure gouvernementale, l’unité, l’interconnexion et l’interdépendance deviennent difficiles crée des possibilités de chevauchement et de conflit dans les prises de décisions. Enfin, étant donné que ces institutions ont des mandats bien spécifiques, il est possible d’assister à un manque de cohérence stratégique et à une surcharge financière et administrative notamment pour les Etats Parties.

Chapitre II. Les lacunes liées à l’effectivité du droit international de l’environnement.

L’un des reproches adressés au droit international de l’environnement est son manque d’effectivité. Ce chapitre traite des lacunes qui sont liées à son application que sont : les moyens de mise œuvre, l’exécution de la justice environnementale.

A. Les moyens de mise en œuvre

Par ailleurs, comme tout autre branche du droit, son applicabilité dépend de la disponibilité d’un ensemble de moyens de mise en œuvre comme les ressources financières, les capacités techniques et institutionnelles et les technologies liées à l’environnement en particulier. Cependant, il existe un grand fossé entre les pays développés et les pays en développement dont l’économie est en transition. Ces derniers de dépendent des pays riches et plus développés qui, selon les principes du droit international de l’environnement, doivent exercer un transfert de technologie vers eux et les supporter par le biais du financement et le renforcement institutionnel grâce à l’envoi d’expert. Ce faisant, alors qu’il se crée une situation de dépendance et de sous-traitance chez les pays moins développés, en même se développent des conditions probables pour la violation de la souveraineté nationale en cas de manque de restriction et du contrôle sur les conditions de l’aide. De plus, des recherches montrent qu’il existe des difficultés quant à l’apport de fonds publics et la mobilisation de financements privés lesquels sont d’ailleurs le plus souvent insuffisants, imprévisibles, fragmentés et variés selon les régimes dans le cadre des accords multilatéraux sur l’environnement (Pillay, 2017 ; Atteridge, 2011 ; Fauchald, 2010). Quant au transfert de technologies relatives à l’environnement, on constate qu’il existe un manque d’information, une insuffisance d’outils qui pourraient faciliter la prise de décision, une sorte d’inadéquation dans les dispositifs de protection de la propriété intellectuelle et enfin une absence d’évaluation du respect des obligations en matière de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités[3]. Tout à coup surgit une préoccupation, si l’effectivité du droit international de l’environnement dépend de la bonne volonté des Parties pour être efficace, ne risque-t-il pas de distribuer une justice à double vitesse. La prochaine section traitera de la justice environnementale en faisant ressortir, bien sûr, ces lacunes.

B. La justice environnementale

Bon nombre de difficultés rencontrées dans la gestion environnementale sont dûes aux questions de justice (Sene, 2019). En effet, certains dossiers traités par la cour internationale de justice ont laissé apparaitre des défaillances techniques quant à l’utilisation des données scientifiques ce qui empêchent d’établir l’ampleur des dommages causés à l’environnement. Cela fait aussi apparaitre un autre problème majeur qui est l’insuffisance des règles ou principes relatifs aux dommages latents dont les répercussions dépendent du temps mais essentielles pour l’établissement de la preuve (Nations Unies, 2018).

Un autre obstacle auquel se jette le droit international de l’environnement en matière d’application est celui du respect des procédures et mécanismes de contrôle. En effet, les dispositions établies dans le cadre d’un accord multilatéral sur l’environnement permettent aux différentes parties d’adopter des solutions diverses et diversifiées alors que la loi devrait être d’application stricte (Saint-Pau, 2015). D’autres lacunes se trouvent au niveau du respect des droits et des obligations. Par exemple, les pratiques en vigueur au niveau des régimes internationaux de commerce et d’investissement mais qui sont intéressées par l’environnement dont les ressources naturelles en particulier ne respectent pas toujours les principes du droit international de l’environnement. Enfin, une dernière lacune qu’on peut signaler en matière de justice en droit international de l’environnement est l’insuffisance d’application des responsabilités et de la réparation pour dommages transfrontières causés à l’environnement. En effet, après la déclaration de Stockholm, les parties ont signé beaucoup d’accord multilatéraux mais les dommages transfrontières causés à l’environnement n’ont pas connu d’avancées aussi significatives. Donc, il est clair que les lacunes à combler en ce sens sont énormes et que des réformes sont obligatoires.

Conclusion

Le droit international de l’environnement fait face à de sérieux défis que ce soient au niveau de ses principes, de ses instruments juridiques, de son système de gouvernance et de son effectivité. A cet effet, il convient pour les acteurs de trouver les moyens nécessaires pour renforcer son application, rendre opérationnels ses principes et de dégager les moyens institutionnels, juridiques et financiers lesquels permettront de combler toutes ses lacunes. Le droit international de l’environnement lorsqu’il aura été plus complet et effectif sera donc plus équitable et, chemin faisant, favorisera la participation des Etats plus réticents et contribuera à la construction d’une société écologiquement plus viable pour le bien-être de tous, présents et futurs. Cet effort ne sera possible que si les acteurs se mettent d’accord pour opérer des réformes en profondeur sinon, l’efficacité et l’effectivité du droit international demeuront utopiques.

Bibliographie

Atteridge, A. (2011). Will private finance support climate change adaptation in developing countries ? document de travail de l’Institut de Stockholm pour l’environnement, no 5

Pillay, K., Aakre, S., & Torvanger, A. (2017). Mobilizing adaptation finance in developing countries

Le Bris, C., Lavieille, J. M., & Delzangles, H. (2018). Droit international de l’environnement. Ellipses.

Lepage, C. (2008). Les véritables lacunes du droit de l’environnement. Pouvoirs, numéro 4, p.123-133.

Nations Unies (2018). Rapport du Secrétaire Général sur les « Lacunes du droit international de l’environnement et des textes relatifs à l’environnement : vers un pacte mondial pour l’environnement. https://globalpact.informea.org/sites/default/files/gap-report-file/SGGaps_FR_Final.pdf. 51 pages  

Fauchald, O. K. (2010). International Environmental Governance : A Legal Analysis of Selected Options, Rapport de l’Institut Fridtjof Nansen

Raven, P. H., Berg, L. R., Hassenzahl, D.M., (2008). Environnement. Wiley, 6th edition, Edition de Boeck Université, Bruxelles, 687 pages.

Saint-Pau, J. (2015). L’interprétation des lois : Beccaria et la jurisprudence moderne. Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, no 2, volume 2, p.273-285. https://doi.org/10.3917/rsc.1502.0273

Sene, A. B. (2019) Justice environnementale : debats autour du concept et perspectives d’application. La Revue Marocaine de la Pensée Contemporaine, no 3, p.2.https://www.researchgate.net/publication/330134930_Justice_environnementale_debats_autour_du_concept_et_perspectives_d’application


[1]   Nations Unies, Document de synthèse établi pour la Conférence de haut niveau de Beijing sur les changements climatiques, novembre 2008.

[2] Ibid

[3]Ibid.

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